Interview : mettre en place un ciné-club pour adolescents

Comment toucher le public adolescent ? Cette question est au cœur des problématiques de nombreuses médiathèques. Corinne Japin à Reims, Aurélie Zerouali et Marion Ladet à Rosny-sous-Bois ont mis en place des ciné-clubs pour les adolescents. Elles ont répondu aux questions d’Images en bibliothèques sur la création de leurs animations, le choix des films, des intervenants et l’animation des séances…

QUESTIONS CROISÉES

Images en Bibliothèques : Pourquoi avez-vous voulu mettre en place le ciné-club ?

Corinne Japin : Plusieurs choses ont contribué à la naissance de ce ciné-club en 2012. Tout d'abord, c’est une demande de notre direction de créer un rendez-vous cinéma pour les adolescents et les jeunes adultes commun aux deux médiathèques de la ville. Avec ma collègue Laurence de Angelis, avec qui nous avons mis en place ces séances, nous partagions le même engouement pour les collections DoAdo noir du Rouergue ou Xprim de Sarbacane, dont les auteurs phares Guillaume Guéraud et Axl Cendres provoquent la controverse chez certains adultes pour leur romans « coup de poing », leurs univers sombres, parfois violents ou déjantés proposés aux ados. Il nous a semblé que beaucoup de films pourraient être un pendant cinématographique de ces collections, mais qui, de par leur interdiction pour certains aux moins de 12 ans se retrouvaient en section adulte, ce qui limitait la chance pour les ados dans nos médiathèques de tomber dessus. C'est donc cet angle que nous avons choisi de faire découvrir ces films, et vu que certains peuvent heurter leur sensibilité, nous destinons ces séances aux plus de 14 ans, accompagnées d'un temps d'échange et d'éducation aux images.

Aurélie Zerouali : Que ce soit à la Médiathèque ou au Théâtre et Cinéma Georges Simenon, la médiation culturelle est quelque chose de très important pour nous. Cela fait même partie de nos missions. J’ai mis en place ce ciné-club avec ma collègue Marion Ladet du Théâtre et Cinéma George Simenon. Nous sommes toutes deux passionnées par le cinéma, et nous voulions surtout proposer une action sympathique aux ados hors cadre scolaire. Nous avons aussi choisi de le faire en partenariat entre la médiathèque et le théâtre afin d’intéresser les adolescents, un public difficile à capter si l’on multiplie les actions.

 

IB : Avez-vous développé des partenariats avec d’autres structures pour le développement du ciné-club ? Si oui, pourquoi ?

CJ : Pas pour la naissance, non, si ce n'est que notre intervenant était également l'animateur du cinéma Arts et Essais de la ville, mais c'était indépendamment. Par contre, par la suite, oui, plein, avec ce cinéma justement, mais aussi avec plusieurs associations d'éducation aux images du département (Linfraviolet et TCB), avec le pôle régional d'éducation aux images de la région (Le Blackmaria), avec le dispositif Lycéens et apprentis au cinéma et avec les jeunes en service volontaire Cinéma et Citoyenneté d'Unis Cité. Nous avons, même si nos démarches sont différentes, un seul et unique but, qui est d'amener les jeunes au cinéma. S'unir et fédérer nos moyens nous permet parfois de créer des évènements de plus grande importance, ou de toucher plus de monde.

Marion Ladet : Non car le ciné-club est déjà un partenariat entre la médiathèque et Théâtre et Cinéma Georges Simenon.

 

IB : Au niveau logistique, comment avez-vous financé le ciné-club ? Est-ce que vous rémunérez les intervenants ?

CJ : Sur notre budget annuel d'actions culturelles. Nous rémunérons notre animateur pour nos huit séances annuelles, ainsi qu’un invité par an (réalisateur, acteur...). Certains partenariats, comme celui avec le pôle régional d'éducation aux images nous ont permis de bénéficier de rencontres avec des réalisateurs. Dans ces cas, le pôle régional prenait en charge le défraiement, et nous les droits de projection du film.

ML : Nous incluons les dépenses du ciné-club dans nos budgets d’actions culturelles respectifs. Si ce n’est les intervenants – que nous payons bien évidemment – nous n’avons que peu de dépenses, juste pour les « goûters » pendant les débats.

 

IB : Le ciné-club permet-il de projeter les films dans le cadre de la consultation sur place ou devez-vous payer des droits supplémentaires ?

CJ : Au début nous avons opté pour de la consultation sur place en groupe, mais c'était très compliqué d'en faire la promotion. Maintenant, nous prenons les droits de projection publique systématiquement. Certes c'est un coup supplémentaire (en moyenne 180€ par séance), mais cela nous a permis d'avoir une vraie communication sur ces séances par flyers, affiches, réseaux, site internet.

AZ : Pour les films projetés à la médiathèque, je ne choisis que des films de mon fonds, dont nous avons payé les droits de consultations sur place. Pour ceux projetés au Théâtre et Cinéma Georges Simenon, ce sont les films de la programmation générale du cinéma. Les membres ont droit à un tarif préférentiel de 2,50€ sur ces séances ciné-club mais aussi sur l’ensemble de l’année cinéma.

 

IB : Les jeunes inscrits au ciné-club étaient-ils des usagers de la médiathèque ? Le ciné-club change-t-il leur rapport à la médiathèque et aux espaces partenaires ?

CJ : Les jeunes ne sont pas inscrits, les séances mensuelles sont sur entrée libre, et nous avons une séance scolaire une fois par an en décembre pour environ 150 élèves de la 4ème à la terminale, nous permettant de faire connaître notre ciné-club aux jeunes qui ne fréquentent pas les médiathèques. Sinon, il arrive que les adolescents fréquentent une médiathèque, mais pas l'autre. Le cycle étant en alternance sur la médiathèque du centre et celle de quartier, cela leur fait découvrir la seconde. C'était l'un des enjeux qu'ils se déplacent, mais ça marche plus ou moins. Sinon je dirais que c'est plus le rapport aux bibliothécaires qui a évolué, surtout pour ceux qui nous accompagnent sur la programmation. Cela modifie notre rapport usagers-bibliothécaires car cela crée un vrai moment d'échange et de partage avec eux, nous aussi vidéothécaires nous apprenons beaucoup, et nous ne nous positionnons pas comme prescripteurs mais vraiment comme médiateurs.

AZ : De manière générale ce sont des ados qui fréquentent les espaces culturels de la ville ou les enfants de parents qui viennent dans ces structures. Nous avions capté l’attention d’une jeune fille lors d’une de nos présentations du ciné-club dans un collège. Certains nous ont rejoint via le bouche-à-oreille. Ceci étant, depuis que le ciné-club a commencé, ils viennent davantage dans nos espaces, à nos actions, ramènent des copains… Nous avons directement essayé de créer un lien de bienveillance et de partage avec eux, afin d’attiser leur curiosité sur des actions culturelles qui pouvaient être mises en relation avec certains films que nous projetions, par exemple.

 

IB : Comment choisissez-vous les films programmés ? Quels sont vos critères pour évaluer si les films plairont aux adolescents ?

CJ : Nous essayons de leur faire découvrir des films de genre et des films, à l’inverse, très ancrés dans le réel, dont le personnage principal est pour la plupart du temps un adolescent ou un jeune adulte. Ce sont des films qui viennent chahuter, heurter des idées, des opinions que l'on peut avoir, des films percutants aux sujets parfois brûlants, forts, sensibles. Nous projetons davantage du long métrage de fiction mais cela peut être aussi du court, du documentaire, de l'animation. Nous essayons aussi leur faire découvrir des films qui sont restés trop peu de temps en salle et des réalisateurs qui ont fait de l'adolescence le sujet presque principal de leur filmographie comme Larry Clark, Gregg Araki, Gus Van Sant, Andréa Arnold, Sofia Coppola et Céline Sciamma. Notre objectif principal est avant tout de leur faire découvrir des films dont ils n'ont peut-être pas entendu parler, susceptibles de les toucher. Nous partons du principe que l'on a tous des films qui nous ont profondément marqués et qui ont eu une influence sur l'adulte que l'on est aujourd'hui, soit esthétiquement, soit parce qu'ils ont provoqué un effet miroir, soit parce qu'ils nous ont amené à voir différemment le monde. Le plaisir n'est pas ce que l'on recherche avant tout car nous savons par les prises de risques des films que l'on met en avant qu’ils font rarement l'unanimité qu'ils peuvent déstabiliser. Ce n’est pas grave, cela peut paraître étrange, mais on prend aussi le risque qu'ils ne leur plaisent pas.

ML : Pour le cinéma, il y a d’abord la contrainte globale de la programmation. Nous avons très peu de créneaux car nous sommes un théâtre et cinéma avec une seule salle pour la double activité. Nous devons faire une vraie sélection de film pour équilibrer notre programmation. L’idée est de leur montrer des films singuliers, qu’on aime et qu’on a envie de partager, tout en essayant d’équilibrer les genres, nationalités, parité…Cette année nous avons montré au cinéma : « Portrait d’une jeune fille en feu » de Céline Sciamma et « J’ai perdu mon corps » de Jérémy Clapin, ainsi qu’« Atlantique » de Mati Diop et « Le Miracle du Saint Inconnu » de Alaa Eddine Aljem, films sénégalais et marocain. Deux films ont été programmés dans la salle par des petits groupes au sein du ciné-club : « La Fille au bracelet » de Stéphane Demoustier (Français) et « Les Mondes Parallèles » de Yuhei Sakuragi (Japonais). Nous essayons de partir sur la notion de découverte, de plaisir et de curiosité. L’idée est de les surprendre et le groupe se prend au jeu.

 

IB : Quel est le ratio plaisir du cinéma / pédagogie au sein du ciné-club ?

CJ : La pédagogie de notre ciné-club se positionne, hormis la découverte de films et de réalisateurs, sur l'éducation à l'image, sur le fait de questionner la notion d'auteur, ses partis pris, sa construction narrative, le langage cinématographique, mais en aucun cas nous ne voulons sur le fond être moralistes. Bien sûr, nous discutons du sujet, et nous sommes amenés parfois à expliquer les choix de tel ou tel personnage, c’est toujours sans jugement.

AZ : Notre idée de départ du ciné-club n’était pas de créer une action trop formatée, mais de constituer un groupe dans lequel chacun puisse se sentir à l’aise et en confiance pour discuter, débattre, et parfois même se disputer. Disons que notre « porte d’entrée » est vraiment le plaisir : celui de partager des films qu’on aime, un art qui nous passionne, des références, des découvertes, mais aussi du temps passé ensemble. En ce qui concerne l’aspect pédagogique, nous partons toujours de l’émotion : ce qu’ils ont ressenti (ou non) devant le film. A partir de là, chacun prend la parole – s’il le souhaite – et le débat se construit de lui-même. Nous préparons toujours un peu nos films bien sûr, afin de pouvoir rebondir si nos jeunes ne se sentent pas d’humeur bavarde. Mais de façon générale c’est la discussion en elle-même qui apporte naturellement de la pédagogie à la séance.

 

IB : Proposez-vous d’autres animations que la projection, par exemple, des débats pour les adolescents ou des ateliers ?

CJ : Oui nous avons un invité une fois par an sur nos séances du samedi et depuis quelques années grâce aux partenariats, nous avons eu la chance d’accueillir un.e réalisateur.trice sur nos deux dernières séances scolaires pour un temps de rencontre à l'issue de la projection. Nous avons eu Adriana Soreil pour son court « Pompon girl » et cette année Michaël Dichter pour son court « Pollux » nommé aux César et tourné avec des ados de la région. Sur les séances des samedis, nous avons les deux premières années invité l'auteur Guillaume Guéraud et l'autrice Axl Cendres qui nous ont inspiré « La séance controverse ». Ils ont eu carte blanche sur le film projeté, les temps de rencontres et les ateliers d'écriture. Guillaume Guéraud a proposé une activité à partir de photogrammes. Nous avons également eu des rencontres avec des jeunes actrices : Zoé Héran pour « Tomboy » de Céline Sciamma et Léora Barbara pour « Stella » de Sylvie Verheyde. Pour l'occasion les ados de «  La séance controverse » se sont prêtés au jeu de l'interview. Nous avons accueilli des réalisateurs comme Benoît Forgeard, Laurent Boileau, Denis Walgenwitz, mais aussi des passeurs dont Jean-Pierre Dionnet !

ML : Chaque séance est suivie d’un débat en groupe, parfois accompagnée d’un invité. Cette année nous avons innové et nous avons laissé les jeunes se mettre en groupe et programmer eux-mêmes une séance et organiser le débat. Ils ont ainsi pu travailler sur la programmation d’un film dans un cinéma et apprendre les rouages et les contraintes du travail de programmateur

 

 

QUESTIONS POUR CORINNE JAPIN ET « LA SÉANCE CONTROVERSE »

IB : Pour promouvoir votre ciné-club, vous utilisez les mots « Controverse », « impertinent » et « subversif » qui appellent à une forme de cinéma-révolution, est-ce que cela influe dans les films que vous choisissez ? Si oui, quel type de films privilégiez-vous ?

CJ : Oui c'est ça, une forme de cinéma "punk", je dirais plus ! Punk dans le sens de la transgression, d'un cinéma qui chahute les règles d'un point de vue formel mais aussi dans les choix scénaristiques, donc oui ça influe totalement dans le choix des films. L'impertinence, la transgression sont aussi des attitudes le plus souvent attribués à l'adolescence, même si c'est très discutable.

 

IB : Vous avez programmé certains films d’horreur (Unfriended), comment les adolescents ont-ils appréhendé ce type de film ?

CJ : Ils adorent ! C'est un genre très plébiscité des ados, mais « Unfriended », ils ne le connaissaient pas. Il nous paraissait intéressant car hormis l'utilisation des codes classiques du "slasher", il est singulier car entièrement cadré sur l'écran d'un ordinateur. Cela nous a permis également de leur parler d'autres procédés comme le Found Footage et de renvoyer sur d'autres films : « Rec. », « Le projet Blair Witch »... Mais aussi de parler des réseaux sociaux, c’est une des séances qui a très bien fonctionné.

 

IB : Les films programmés traitent parfois de sujets lourds (mort, femmes enceintes, vol). Comment les adolescents réagissent à ces films ? Est-ce que cela leur permet de mettre des mots sur ces sujets ?

CJ : Cela dépend, ils peuvent éprouver toutes sortes d'émotions, aimer ou non, être touché ou pas, être choqué parfois, nous dire merci pour la découverte aussi, ce sont des films qui en général ne laissent pas indifférent et qui vont susciter des ressentis très contrastés, d'où la controverse. Certains nous suivent et nous font confiance sur la programmation, d'autres nous disent ne pas avoir aimé, mais curieusement reviennent. Oui, parfois par ce qu'ils expriment on sent que cela a fait écho à quelque chose en eux, que le film a touché une corde sensible et parfois oui cela leur permet de mettre des mots sur des sujets. Nous pouvons être surpris aussi par leur réaction, après « Despues de Lucia » de Michel Franco, un film parlant de harcèlement, la majorité des adolescents pensait que le personnage principal se victimisait, et ne ressentaient aucune empathie à son égard ! C'était une séance spéciale que nous avions mise en place avec les documentalistes et nous ne nous attendions pas à cette réaction. Cela-dit leur point de vue était intéressant, c'est alors nous qui étions déstabilisés !

 

IB : De quelle manière Claude Bégué anime-t-il les séances ? Les jeunes ont-ils un espace de parole suite à la séance ? Si oui, prennent-ils facilement la parole pour donner leur point de vue ?

CJ : Claude présente le film durant une dizaine de minutes avant le début de la projection, puis il mène l'échange à la fin du film, ce qui dure quarante minutes environ. Pour l'espace de parole, oui bien sûr cela fait même parti du déroulement de ces séances, si l'échange qui suit n'est pas une obligation on les incite fortement à rester avec nous, déjà parce que Claude va leur donner des clefs de compréhension cinématographiques, mais aussi pour qu'ils puissent s'exprimer, nous dire ce qu'ils en ont pensé, comment ils l'ont ressenti. Du fait d'avoir ce parti pris de films qui bousculent, l'idée est de ne pas les laisser partir de manière abrupte, et d'accompagner si besoin cette réception. Pour la prise de parole cela dépend des ados, certains sont très bavards, d'autres restent, écoutent mais ne s'expriment pas, nous essayons de les faire participer mais ils ne le veulent pas toujours, soit par timidité ou autre. Pour certains ils n'ont pas envie tout simplement, et on respecte totalement ce choix. C'est pourquoi nous leur distribuons tout de même un "billet controverse" en fin de séance sur lequel ceux qui n'oserait pas prendre la parole en public peuvent s'exprimer. On leur demande : s'ils connaissaient le film avant la séance, un ressenti, leur adresse mail s'ils veulent recevoir la programmation et s'ils ont une suggestion pour une prochaine séance.

 

IB : Faites-vous venir des intervenants ? Qu’est-ce que cela apporte d’après-vous ?

CJ : Comme évoqué plus haut, oui. Rencontrer les auteur.trice.s réalisateur.trice.s, acteur.trice.s ou un.e maquilleuse.eur leur permet aussi au-delà de l'échange et de l'aspect d’éducation aux images, d'ouvrir des possibles sur leur avenir. Les adolescents les questionnent sur leur parcours, comment ils ont réussi à être acteur ou réalisateur... Lors des ateliers avec Guillaume Guéraud, son approche a permis à certains de débloquer des freins face à l'écriture, le fait de partir de photogrammes était un appui rassurant. Lors de la rencontre avec Zoé Héran, qui avait 15 ans, deux ados du groupe de programmation qui souhaitaient l'inviter ont mené l'interview. La prise de parole au micro n'est pas simple, ils se sont sentis valorisés, c’était un moment fort pour eux.

 

IB : Est-ce que les jeunes sont amenés à participer à la programmation et à l’animation de la séance controverse ?

CJ : Oui, depuis 2014, grâce aux conseils et aux échanges avec les professionnels du service pédagogique de La cinémathèque Française, quelques adolescents nous ont rejoint sur la programmation. Ils peuvent aussi nous proposer des films directement, mais aussi via le billet d'humeur. Lorsque ce sont eux qui programment, on leur demande de faire l'exercice de présenter très succinctement le film en début séance et nous dire pourquoi ils ont envie de nous le faire découvrir. L’accompagnement qui suit reste toujours animé par Claude. Cependant, nous nous sommes rendus compte, que même si on leur rappelle "la charte" de programmation de la controverse, ils sont parfois un peu perdus sur un choix si ouvert, et que souvent, nous n'avons ni le film ni les droits pour honorer leurs propositions, c'est assez complexe. Nous restons ouverts, mais ce que l'on fait plutôt aujourd'hui, c’est présélectionner deux films que l'on souhaiterait leur faire découvrir et sur lesquels on a fait les recherches de droits en amont. On leur demande de voter, via le billet controverse, celui qu'ils souhaiteraient voir projeté.

 

 

QUESTIONS POUR AURÉLIE ZEROUALI, MARION LADET ET LE « CINE-CLUB ADO »

IB : Pour l’année 2018/2019, la moitié des films que vous avez montré étaient français, était-ce une volonté ? Est-ce que cela fait partie de votre politique de programmation ?

AZ : Non, pas forcément. Nous faisons attention à montrer de la diversité dans les origines des films que nous projetons, afin d’offrir un panorama cinématographique le plus étendu possible. Il y a aussi – pour les films projetés au cinéma – des contraintes de programmation, puisque le Théâtre et Cinéma Georges Simenon choisit les films selon les sorties cinéma officielles. Il nous faut donc trouver le bon équilibre entre les sorties cinéma, les contraintes de programmation et bien sûr, nos avis sur les films.

 

IB : Comment choisissez-vous les intervenants ?

ML : Il s’agit d’abord d’opportunité. J’ai eu la chance d’avoir le contact du monteur du film « J’ai perdu mon corps » et le réseau de salles Cinémas 93 proposait cette année un partenariat avec l’Institut des Migrations. Nous avons organisé une rencontre avec Hamza Sibide (sociologue, spécialisé sur le territoire du Sénégal) autour du film de Mati Diop. Un film est aussi une réflexion politique et cette rencontre a permis également d’amener une réflexion sur le sujet du film.

 

IB : Il y a un grand soin pris pour les affiches et flyers du ciné-club, créées par Léa Picot. D’après vous, est-ce que c’est ce qui a donné envie aux jeunes de participer au ciné-club ?

AZ : Nous pensons qu’avoir une identité visuelle forte nous a aidé, oui ! Nous tenions à être originales et à pouvoir être identifiées tout de suite par les jeunes.

 

IB : Les jeunes sont-ils enclins à prendre facilement la parole après le visionnage des films ? Si non, comment les encouragez-vous ?

AZ : Tout dépend de leur personnalité : certains ont été à l’aise tout de suite, d’autres ont mis leur temps à trouver leur place et leur rythme. Nous nous assurons toujours que les membres du groupe se sentent en sécurité, et qu’ils peuvent parler en toute confiance. Nous avions dès la première séance, tenu à dissocier immédiatement le ciné-club de l’esprit scolaire. L’espace de discussion que nous créons leur appartient. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, juste des idées, des propositions, des interprétations, des ressentis. Une fois cet espace mis en place, le groupe trouve naturellement son rythme. Si jamais ils ne trouvent pas les mots, nous les questionnons sur des scènes qui les ont marqués, des sons, des couleurs. On passe par les détails pour parler du film dans sa globalité.

 

IB : Les jeunes se connaissaient-ils déjà avant le ciné-club ? Si non, savez-vous s’ils gardent contact en dehors du ciné-club ?

ML : Certains oui, d’autres non. Des anciens de l’an dernier ont ramené des copains pour cette année. Parfois ils ramènent un autre copain pour une seule séance. Nous ne voulons pas fermer la possibilité aux jeunes de venir sur seulement un ou deux films. En ce qui concerne leurs vies à l’extérieur du groupe, nous ne savons pas trop. On les voit parfois ensemble lorsqu’ils viennent participer aux actions culturelles que nous proposons. Ils s’apprécient et c’est très agréable de les voir en lien à l’extérieur du groupe.

 

IB : Les jeunes du ciné-club étaient-ils déjà sensibles au cinéma avant leur inscription ? Ont-ils manifesté un goût nouveau grâce au ciné-club ?

AZ : Certains oui, surtout grâce à leurs parents. D’autres, les plus jeunes (13 ans), ne connaissaient que quelques films, mais ont pris goût au cinéma. Une adolescente a découvert Steven Spielberg l’année dernière et en est devenue une fan ! Mais nous les aidons un peu également en leur proposant à l’issue de chaque séance, une filmographie en rapport avec le film projeté. Soit tournant autour du thème du film, soit autour du réalisateur. A partir de cela, ils se font eux-mêmes leur culture cinéma.

 

IB : Vous avez prolongé l’expérience sur l’année 2019-2020, est-ce que ce sont les mêmes jeunes qui y participent, ou avez-vous préféré le proposer à d’autres adolescents ?

ML: Nous n’avons fermé l’accès à personne : la plupart des anciens sont revenus et ont ramené des copains. D’autres sont venus d’eux-mêmes. Certains ne peuvent plus venir à cause de leurs cours ou de leurs activités. Notre action est ouverte à ceux qui le souhaitent.

 

IB : Vous avez doublé le nombre de séances pour l’année 2019-2020, pourquoi ?

AZ : Dans un premier temps, nous l’avons fait à la demande des jeunes de l’an dernier. Nous avions fait passé un questionnaire bilan pour leur demander leur ressenti et c’est la première chose qui est ressortie. Ils voulaient davantage de séances. Ensuite, nous avions également réalisé avec Marion que nous voulions plus de séances afin de véritablement créer une pensée commune et une dynamique de groupe. L’année précédente, nous avions perdu quelques jeunes car il était compliqué pour eux de se souvenir du rendez-vous qui pouvait être soit en début ou en fin de mois. Ce manque de régularité nous déconnectait un peu les uns des autres. Le ciné-club était aussi une nouvelle action, et il fallait qu’elle fasse ses preuves, proposer davantage de séances se justifie. Nous avons bien senti cette année que le groupe est beaucoup plus fort et dynamique depuis que nous les voyons toutes les deux semaines.

 

 

DEUX CINÉ-CLUBS TRÈS DYNAMIQUES

Les expériences de Reims et de Rosny-sous-Bois montrent qu’il est possible de créer un rendez-vous régulier autour du cinéma avec des adolescents en médiathèque. Les « séances controverses » et le « Ciné-club ado » mettent un point d’honneur au plaisir et à la lecture de l’image. Pour les deux ciné-clubs, il y a une grande attention portée à la discussion avec les adolescents. Les projections leur permettent de découvrir des films, d’apprendre à lire les images, de comprendre des corps de métier et les dessous de la fabrication du cinéma, tout en exprimant leurs ressentis, leurs émotions, leur individualité. L’écoute portée par les équipes de Corinne Japin et Laurence de Angelis, Aurélie Zerouali et Marion Ladet permet une fidélisation des adolescents, qui se sentent concernés par les activités culturelles de la ville. Ces rendez-vous sont aussi des moments privilégiés d’échange entre les jeunes et les bibliothécaires, qui se placent plutôt comme des médiatrices que comme des prescriptrices. Elles donnent la possibilité aux jeunes de prendre part à la programmation et à l’animation des séances, ainsi elles valorisent leurs connaissances et leurs goûts, tout en les impliquant personnellement dans le ciné-club.

 

« LA SEANCE CONTROVERSE » DE REIMS

« Les séances controverses » ont été mises-en-place par Corinne Japin et Laurence de Angelis en 2012 et se déroulent dans les Médiathèques Jean Falala et Croix-Rouge de Reims. Elles se présentent comme impertinentes et subversives pour un public averti. Les séances sont destinées aux adolescents et jeunes adultes à partir de quatorze ans et accompagnées d’une présentation et d’un débat animés par Claude Bégué. Nous vous proposons quelques exemples de films projetés lors de ces séances :

  • 8 Mile de Curtis Hanson
  • 17 filles de Muriel et Delphine Coulin
  • A girl walks alone at night d’Ana Lily Amirpour
  • Faites le mur de Banksy
  • J’ai tué ma mère de Xavier Dolan
  • Juno de Jason Reitman
  • L’Exorciste de William Friedkin
  • Passe ton bac d’abord ! De Maurice Pialat
  • Rubber de Quentin Dupieux
  • Shaun of the Dead d’Edgar Wright
  • Shining de Stanley Kubrick
  • Tomboy de Céline Sciamma
  • The Host de Joon-Ho Bong
  • Wassup Rockers de Larry Clarke
  • We need to talk about Kevin de Lynne Ramsay

 

Contact : Corinne Japin de la Médiathèque Jean Falala de Reims : Corinne.JAPINatreims.fr

Laurence de Angelis de la médiathèque Jean Falala de Reims : Laurence.DEANGELISatreims.fr

 

Flyer de la Séance Controverse

 

« LE CINE-CLUB ADO » DE ROSNY-SOUS-BOIS

« Le ciné-club ado » a été mis-en-place par Aurélie Zerouali de la Médiathèque Louis Aragon et par Marion Ladet du Théâtre-Cinéma Georges Simenon de Rosny-sous-bois. Un mercredi sur deux à 18h, un groupe d’adolescents se retrouvent pour découvrir un film, rencontrer des professionnels du cinéma et échanger autour du cinéma. Nous vous proposons quelques exemples de films projetés lors des séances 2018-2019 :

  • 90’s de Jonah Hill
  • Atlantique de Mati Diop
  • Duel de Steven Spielberg
  • Histoire de fantômes japonais, Yotsuya Kaidan
  • J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin
  • La Cité des enfants perdus de Jean-Pierre Jeunet
  • La Fille au Bracelet de Stéphane Demousier
  • Le Grand Bal de Lætitia Carton
  • Les Invisibles de Louis-Julien Petit
  • Les Mondes Parallèles de Yuhei Sakuragi
  • L’époque de Mathieu Bareyre
  • Portrait d’une jeune fille en feu de Célin Sciamma
  • Shaun of the Dead de Edgar Wright

 

Contact : Aurélie Zerouali de la Médiathèque de Rosny-sous-Bois : aurelie.zeroualiatrosnysousbois.fr<!--target="_top"-->

Marion Ladet du théâtre-cinéma Georges Simenon : marion.ladetatrosnysousbois.fr<!--target="_top"-->

 

Affiches du ciné-club ados de Rosny-sous-Bois illustrées par Léa Picot

.Affiches du ciné-club ados de Rosny-sous-Bois illustrées par Léa Picot

 

Illustration © Flyer à gauche de La Séance Controverse de Reims, à droite du Ciné-club ados de Rosny-sous-bois, illustration de Léa Picot

 

 

 

 

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