Film soutenu
Amara
Réalisé par Pierre Michelon
C’est dans le désordre que l’Histoire arrive jusqu’au présent. De la même façon, Amara prend la forme d’un ruban de Möbius, sans début ni fin. Les temporalités se chevauchent d’ailleurs au sein même de l’image : sur un plan filmé par Pierre chez Fouad apparaît le message qui marqua le début de leur correspondance, quelques années plus tôt. On apprend que le grand-père de Fouad, Amara Mennana, fut envoyé au bagne en Guyane pour avoir tenté de dérober un troupeau de chèvres dans une Algérie que l’on disait alors française – acte probablement politique dont les circonstances exactes resteront troubles. Son fils perdit bientôt sa trace, pour ne jamais la retrouver. Tous deux travaillés par cette histoire, Pierre et Fouad entament des démarches auprès d’institutions diverses afin de connaître enfin le destin d’Amara. Les documents d’archives exhumés et messages échangés, qui nous informent de la progression de l’enquête, se superposent à des paysages filmés dans le Colorado, où réside Fouad, en Guyane, où se rend Pierre, et là où tout commença : en Algérie. Faisant résonner les mots dans ces paysages tous marqués par la colonisation, Amara annule pendant 118 minutes les gouffres qui séparent des temps et des lieux distants, tisse une toile à laquelle la présence d’une faune intemporelle confère une dimension cosmique. Les lieux et les animaux sont d’ailleurs crédités au générique au même titre que les êtres humains. Le film apparaît alors comme une archive pour le futur, qui témoignera de l’amitié qui naquit un jour entre un Français et un Algéro-Américain réunis par une même hantise, et par une commune plongée dans l’horreur coloniale. –Olivia Cooper-Hadjian