Film soutenu
Le bon grain et l'ivraie
Réalisé par Manuela Frésil
En 2015, Manuela Frésil rencontre les familles qui vivent à la rue à Annecy. Elle filme une année durant la vie des enfants qui vivent là leur vie d’enfants tandis que les parents silencieux et inquiets tentent de préserver un semblant de vie de famille. Les conditions de vie sont rudes et plus encore quand sur décision du préfet le Centre qui les héberge ferme. L’hôtel social, le square au centreville, l’appartement prêté, toutes les nuits il faut trouver où dormir. Et pour ces enfants se raconter une normalité entre l’école et le foyer. Même lorsque c’est l’hiver, lorsqu’il neige dehors et que la gare est le seul refuge pour la journée, personne ne songe à rentrer au pays. Ce pays n’est souvent déjà plus que celui de leurs parents pour ces enfants qui manient la langue française comme s’ils étaient nés là. Pour la première fois, Manuela Frésil réalise un film seule, avec une caméra, un micro et une voiture. Elle le réalise seule, c’est-à-dire sans équipe, mais en vérité seule elle ne l’est jamais. Elle est avec ces enfants, elle les regarde autant qu’ils la regardent, ils lui racontent leur quotidien, leur espoir, les peurs, ce qu’ils comprennent aussi de situations qu’ils ne comprennent pas. Ils jouent pour elle, ils jouent avec elle. La cinéaste ainsi est tirée à l’intérieur de son film, hors cadre mais dans un contre-champ omniprésent que l’on se figure aisément. En filmant ces enfants auxquels l’état français refuse l’asile, Manuela légitime leur présence autant à nos propres yeux qu’aux leurs, ils sont sur le devant de la scène. Face à la caméra, ils vivent, s’amusent, bavardent, ils existent aux yeux de tous, ils sont à leur place ici et maintenant. –Catherine Bizern