La réalisatrice travaille sur la mémoire, et s’intéresse aux artistes qui enterrent leurs œuvres...
Artiste suisse d’origine roumaine, Daniel Spoerri est né à Galați en 1930. Figure majeure de l’art contemporain, il est notamment connu pour ses tableaux-pièges et le concept d’ « eat art ». Le titre reprend celui d’un livre de Spoerri Topographie anecdotée du hasard, une topographie de ce qui se trouvait le matin sur sa table, de ce qui y était disposé par hasard. Le hasard joue un rôle important dans sa vie et son œuvre. Le fait qu’il soit en vie est un coup du hasard, car il aurait pu être tué pendant le pogrom de Iasi dans lequel son père a péri. Ensuite, dans la rencontre avec Eva, dans la manière dont elle a construit le film, et dans ses autres rencontres, il y a eu d’étranges coïncidences.
L'enfance de l'artiste en Roumanie donne donc des clés sur son oeuvre, mais aussi sur la réalisatrice : on filme les images du chantier de fouilles, de la ville de Galata (ils y ont habité dans la même rue), des ateliers où sont recréées des oeuvres à partir des objets exhumés. On ne filme pas en revanche Spoerri, on l’entend, on l’écoute, y compris dans des archives, loin d’une interview classique. Sa voix nous accompagne sur les lieux où il a vécu et qui dévoilent sa démarche artistique, des clés pour l’appréhender. En contraste, les souvenirs du pogrom sont peu illustrés sauf par des témoignages face caméra cette fois.
Le film revient également sur la performance, montre comment on peut encore faire oeuvre à partir d'un ancien épisode, oeuvre dont l'artiste n'est finalement que le concepteur et jamais le réalisateur (les séquences sur les ateliers des assistants sont très belles) et rendre visible la subjectivité en laissant s’exprimer le surréalisme de la vie quotidienne.