ÉDITION 2024 : PETITE PLANÈTE
« Blue Marble », la bille bleue : c’est le titre de la photo, prise depuis l’orbite terrestre, publiée par la NASA le 7 décembre 1972. Pour la première fois, il nous était possible, à nous terrien·nes, de découvrir notre planète dans son ensemble.
« La terre est bleue comme une orange »[1] avait écrit, visionnaire, le poète Paul Éluard. Elle est désormais bien là, devant nos yeux, à la fois magnifique et fragile. En quelques jours, l’image a fait le tour du monde. Ce n’est pas seulement sa beauté qui explique cette fascination.
Ce qui nous apparaît d’emblée, c’est à quel point, sur cette boule bleue, tout nous est proche. Nous sommes parties d’un tout. Il n’y a pas d’antipodes, de face cachée. Rien de ce qui affecte notre planète ne saurait nous être étranger.
Cela peut donc commencer par une exploration : depuis son origine, le cinéma documentaire rassemble de fantastiques « archives de la planète »[2] qui contribuent à nourrir cette idée que la Terre est unique et indivisible. Le cinéma nous parle de la nature, des montagnes et des plaines, des océans et des rivières, des Pôles et de l’équateur, … Et de toute la vie qui les peuple. Il nous parle des humain·es, où et comment iels vivent, travaillent, rient, pleurent, dansent…
Mais aussi, hélas, où iels se battent, où iels meurent. Cette folie des humain·es, le cinéma (et en particulier le cinéma documentaire) nous la montre aussi. Il nous démontre qu’il n’y a pas de politique qui ne soit pas à l’échelle de la Terre tout entière, qui ne soit pas « géopolitique ». Et même, plus justement, qui ne soit pas « cosmopolitique ».
(Mais pour les Grecs, le cosmos était un univers ordonné, par opposition au chaos. Sans doute faudrait-il aujourd’hui inventer le mot « chaopolitique »).
« Il était une fois un petit prince qui habitait une planète à peine plus grande que lui, et qui avait besoin d’un ami… »[3]. L’astéroïde de ce petit prince s’appelle B 612. Nous habitons touxtes, nous aussi, notre petit astéroïde, notre « sphère intime ». De sorte que nous sommes toujours de deux planètes (au moins !).
Et parce que nous aussi, nous avons besoin d’ami·es, le cinéma est l’un de ces espaces infinis où chacune de nos petites planètes, pas plus grandes que nous, se rencontrent pour découvrir et partager notre planète commune, bien petite, elle aussi, à l’échelle de l’univers.
« Nous habitons une planète qui nous paraît de plus en plus petite. Tout nous invite à la mieux connaître ». C’est par cette phrase que commençait le texte de présentation de la collection « Petite planète », publiée aux Éditions du Seuil entre 1954 et 1963 sous la direction de Chris Marker. Le thème du Mois du film documentaire 2024 est donc aussi une sorte d’hommage à l’un de nos plus grands cinéastes documentaristes.
Il existe deux n°25 de cette collection de petits livres plus proches de l’essai fortement illustré que du guide de voyage : l’un consacré à la Yougoslavie, et l’autre, virtuel, proposant une découverte de la planète Mars.
Ce volume apparaît dans le court métrage d’Alain Resnais « Toute la mémoire du monde », commandité par la Bibliothèque Nationale. Il semble, cependant, qu’il ne figure pas au catalogue de celle-ci. Mystère.
[1] Paul Eluard, L’Amour la poésie, 1929
[2] Les « Archives de la planète » est déjà le nom du projet humaniste d’Albert Kahn, crée en 1912, à l’origine d’une des plus remarquables collection d’images et de films de notre petite planète.
[3] Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, 1943