Film soutenu
Brise-lames
Réalisé par Hélène Robert, Jérémy Perrin
Depuis une étrange forêt lumineuse, un homme raconte qu’une jeune femme de la région est régulièrement visitée par des morts emportés par le tsunami qui a ravagé la baie il y a quelques années. Sur les images d’arbres qui accompagnent son récit, se sur-impriment de petites méduses translucides. Fantômes et eaux profondes ont envahi le territoire. Traversant un littoral décharné qui semble avoir été recouvert d’une immense bâche, comme une dépouille que l’on doit déplacer, les cinéastes récoltent des témoignages. En s’engouffrant ici, le tsunami a ouvert une brèche, l’au-delà s’est infiltré. Des survivants racontent que sur un pont de la ville, des âmes errantes se promènent et que certains les ont vus. Les victimes du tsunami, dit-on, sont des morts contrariés, leur départ est repoussé. Ces morts-là sont en sursis ou peut-être est-ce le sort des vivants, en attente dans cette zone désolée où il ne reste rien. Les rescapés naviguent entre les villes provisoires élevées après la catastrophe et les villes en reconstruction. Un pied dans le passé, un autre vers l’avenir, ils se rassemblent, témoignent et prient pour s’apaiser pendant que sur la côte se dressent des brise-lames, d’immenses digues de béton conçues pour retenir les prochaines vagues. Ces barrages contre le Pacifique défigurent le paysage, et au souvenir qu’ils incarnent se mêle une attente sinistre. Murs colossaux supprimant l’accès à la mer où certains continuent de disperser les cendres de leurs morts, à côté de ceux qui continuent de chercher les disparus. Les digues ne repoussent pas les morts, il faut cohabiter dans ce temps en suspens.