Comment petit à petit, un être cher, de votre famille, va progressivement disparaitre de votre vie, au point de devenir transparent, invisible, livré à la rue ? Comment les liens familiaux que l’on croyait solides peuvent-ils se dénouer à ce point, jusqu’aux souvenirs, ces quelques images sur pellicule, qui ne collent plus avec ce corps retrouvé un jour à la morgue, que l’on ne reconnait presque plus ? C’est à cette interrogation extrêmement douloureuse qu’Alexe Poukine tente de répondre dans ce très beau film. Sur ce parcours difficile, tentant de démêler les fils de ce drame, elle interroge les membres de sa famille, rencontre sur son chemin quelques uns de ces êtres humains devenus invisibles, fantômes errants, hantant nos villes, dormant à même le sol, détenant peut-être une réponse. Drame de l’extrême solitude, de la dérive sociale, de l’exclusion, la réalisatrice ne délivre aucun remède mais elle restitue une humanité, une identité, une voix, à ces personnes retranchées derrière les murs de leur solitude. Sa caméra pose un regard sans misérabilisme sur leurs vies, leur quotidien, s’attarde sur ces visages et corps fatigués, les laisse se raconter, parfois drôles, parfois émouvants, terriblement humains et terriblement proches. Formellement, le film est très réussi.