Kachach, au-dessus de Zaatari

Bruno Pieretti choisit de nous plonger dans le camp de réfugiés de Zaatari en Jordanie, près de la frontière syrienne dans un désert de pierres entouré de barbelés, planté de tentes et de baraquements, les « caravanes ». Cet univers de poussière, aride et stérile, est le lieu de l’attente de la fin de la guerre syrienne qui n’en finit pas de durer depuis 2011. Parmi les plus de 85.000 réfugiés de Zaatari le réalisateur nous propose une rencontre avec trois hommes de la communauté des éleveurs de pigeons, les Kachach, qui, tout en renouant avec la tradition donne sens et espoir à leur vie immobile et entravée. Par-delà le mépris culturel dont ils sont victimes (impossibilité de témoigner au tribunal, exercice de leur activité sur les terrasses d’où les femmes peuvent être vues sans leur voile) les kachach résistent à leur manière bruyante (jet de pierres, cris, sifflements) et construisent un projet de vie en attendant la fin de l’exil. Les témoignages mettent en lumière la proximité entre l’homme et l’animal, l’attachement à la terre natale si proche et si lointaine de Zaatari, le désir du retour, la blessure et la culpabilité de l’exil. Elever les oiseaux est à la fois défi, aventure et divertissement, détournement du poids de l’angoisse et de la réalité de l’enfermement, aspiration à la liberté, renaissance à la poésie. Le montage du film repose sur la dualité entre la terre monde clos où la couleur blanchâtre de la poussière règne en maître et le ciel au-dessus de Zaatari si bleu, si calme où les oiseaux accompagnés par les notes vibrantes du oud tracent leur chemin, écrivent une histoire de départs, de retours et de liberté.