Grâce à ses propos liminaires, Guillaume Bordier insiste sur le temps de préparation, le temps d’approche pour apprivoiser Lambert. Pour Didier Lambert, le temps a en effet été nécessaire pour prendre du recul et se décider à raconter. Le moment du témoignage, qui recoupe pour partie celui du film, est donc l’aboutissement d’un cheminement personnel que traverse et qu’accompagne le film.
Ce décor factice permet au spectateur de mettre de la distance avec le personnage Lambert, et pour Didier Lambert de se dessaisir de lui-même dans un espace d’écoute dépersonnalisé. L’entretien est riche car Lambert analyse finement ses souvenirs, dans l’épaisseur du temps. Son histoire prend une dimension plus universelle, même si des informations personnelles affleurent çà et là, au fil du récit.
La question de la culpabilité et de la peine siègent au cœur de son témoignage.
Avec Le reflux, nous sommes très loin de cette télévision qui dramatise le fait-divers criminel. Le condamné a purgé sa peine et comprend que la détention est venue sanctionner son asocialité. Mais Lambert sait habilement exposer ses doutes et paradoxalement se décharger d’une partie de sa responsabilité (jamais il n’évoque les victimes).
C’est donc toute l’intelligence analytique d’un meurtrier, pas celle d’un tueur et de ses techniques spectaculaires, que nous écoutons. Ce point de vue mérite d’être entendu et tranche à une époque marquée par l’omniprésence des victimes.