Storgetnya est le film de toutes les profondeurs. Celle d’une mine de sel reconvertie en clinique souterraine. Mais l’observation des allers et venues des patients et soignants, affranchie de tout commentaire, ouvre d’autres profondeurs. Celle d’une Arménie hors champ et hors temps, vieux pays à la santé chancelante qui nous vient par bribes, comme un murmure lancinant. Celle d’un souffle de vie, simple et essentiel, venu du plus loin – on vient bien là pour mieux respirer. De fait le film tout entier repose sur une ample respiration, que matérialise le jeu entre l’obscurité des tunnels et la fluorescence des néons (Hovig Hagopian, qui réalise là son premier film, est aussi chef opérateur, et son travail sur l’image est juste hors du commun). Et nous renvoie alors, par son souffle, à une autre profondeur d’âme où sont descendus les Homère, Virgile, Dante et tant d’autres, grecs ou persans, arméniens ou africains, partout, depuis que l’homme est homme. Oui, elle est profonde, la mine de sel d’Avan, dans ce Storgetnya qu’on n’oubliera pas.