« En attendant, j’ai vu du paysage ». C’est par ces mots qu’Eleonor Gilbert (Espace, 2014, déjà très remarqué) conclu ce film-voyage ferroviaire. Point de grande vitesse ici malgré la brièveté du film, mais des trains que l’on peut prendre « simplement », sans devoir préalablement décliner identité et coordonnées ni franchir de portique automatique. Une balade qui prend son temps, en TER, en RER, plus propices aux rencontres et à la réflexion sur la société telle qu’elle va, entre emprise croissante du numérique, déshumanisation et idéologie sécuritaire.
En voix off, chuchotée et parsemée de silences, la cinéaste nous fait part de son angoisse face à l’avancée d’un monde « parfait » à force d’être débarrassé des fragilités qui en font l’humanité. Essai autant que carnet de voyage, le film trouve son équilibre dans un recours judicieux à l’image d’archive et par la grâce d’un montage qui, faisant fi de la continuité géographique du parcours, préfère une logique plus joueuse et poétique de rebonds au gré de nom de gares évocateurs. « En attendant, j’ai vu du paysage ». Et nous avec elle.