Cycle La Cinémathèque du documentaire 2022
L’architecture vue par les cinéastes
Cycle programmé par Marie Andriol, Association Solaris - Videodrome 2 dans le cadre de La Cinémathèque du documentaire 2022
« L’œil suit les chemins qui lui ont été ménagés dans l’œuvre. »
Paul Klee, Pädagogisches Skizzenbuch
L’architecture est un art qui a besoin d’être parcouru et traversé, par l’oeil et le corps. Le cinéma s’en charge, il traduit ses formes et volumes. Le cinéma a toujours cherché à incarner ces deux dimensions (le regard et le mouvement), et pour ce faire, il a traduit l’architecture dans ses formes, en essayant de rendre compte de cet art à travers son langage autre. Mais quel cinéma y parvient ? Pas celui qui se contente de raconter la vie des architectes ou l’histoire des bâtiments… Dans ce parcours entre théorie, films et cinéastes, il ne s’agit pas seulement de juxtaposer l’organisation des voies du regard dans l’architecture et au cinéma. L’architecture organise et pré-agence les chemins du regard : la mise en scène cinématographique prépare la direction du regard du spectateur. Le cinéma documentaire sur l’architecture veut en restituer la genèse, la structure et le sens, et réalise cela à travers de multiples inventions audiovisuelles, qui ne se limitent pas à une description historico-artistique des œuvres, mais vont jusqu’à la tentative radicale de traduire mimétiquement les formes architecturales en formes cinématographiques.
L’expérience filmique de l’architecture – le rendu documentaire de ses formes et de ses structures – se déroule à travers une utilisation autonome de l’espace-temps cinématographique qui fait également appel à l’imagination et à l’impression de réalité. Nous, spectateurs, devenons l’œil de la caméra, nous nous identifions à elle. Parce que seule la caméra, convenablement guidée, s’immergeant et se déplaçant à l’intérieur de la forme architecturale, s’identifiant à la continuité spatio-temporelle de cette forme, peut nous rendre une image structurellement cohérente avec la forme architecturale : une image qui, à son tour, lorsque nous assistons à la projection, s’identifie à l’espace-temps réel de notre existence. Le cinéma documentaire devient ainsi un moyen très fin d’investigation de l’espace habité et d’analyse du langage architectural, un outil capable de rendre visible et « expérimentable » ce que les écrits, les dessins ou les images photographiques ne peuvent pas.
Avec les corpus de films que nous proposons, les spectateurs seront en présence d’un regard, celui de la caméra, qui touche et ressent, traduit et parcourt : un regard capable de nous faire percevoir les caractéristiques spatiales d’un environnement ou d’un artefact architectural, la manière dont il se rapporte aux éléments voisins, sa couleur, le poids et la légèreté, le tissage de ses surfaces, l’air qui y circule, la relation avec l’extérieur, le non construit, le vide, le vert, le ciel. Et le temps : chaque architecture a son temps propre, qui n’est pas celui de l’ère de la construction, mais le temps relatif à l’espace dans lequel l’oeuvre architecturale est placée. Comment le cinéma, art de l’espace, peut donc rendre sensible l’architecture, art du temps ?