Reconversão
Réalisé par Thom Andersen
Chargé par le festival du film de Curtas Vila do Conde de réaliser un film dans le nord du Portugal, Andersen s’est tourné vers le travail du maître architecte Eduardo Souto de Moura (né en 1952) dont les idées visionnaires sur la structure, la ruine et le paysage lui ont valu une renommée et une audience internationale qui s’étend bien au-delà de la région de Porto où il a réalisé la majorité de ses projets. Comme en réponse à la frustration exprimée dans Los Angeles Plays Itself concernant la représentation inadéquate et dédaigneuse de l’architecture dans le cinéma populaire, Andersen a cherché de manière ambitieuse une forme cinématographique capable de comprendre toutes les dimensions des formes architecturales singulières. Pour Reconversão, Andersen s’est tourné une fois de plus, de manière ingénieuse, vers Muybridge, travaillant avec le directeur de la photographie Peter Bo Rappmund pour concevoir une technique d’arrêt sur image pour filmer l’architecture de Souto de Moura à un rythme d’une et deux images par seconde, réanimées pour allumer une impulsion et une qualité frémissantes dans le bâtiment et le paysage.
Se situant sculpturalement entre l’image fixe et l’image animée, Reconversão se déploie à un rythme contemplatif en explorant dix-sept œuvres construites et non construites, accompagnées d’une voix off (une fois encore prononcée par Encke King) lisant des passages des écrits de l’architecte et ponctuées par les interjections prudentes d’Andersen. Comme dans l’œuvre de Heinz Emigholz, le film d’Andersen va au-delà d’une simple méditation appréciative sur la vision d’un grand architecte pour mettre en mouvement un dialogue agile entre le cinéma et l’architecture en tant qu’arts de cadrage et de réinterprétation du monde existant. Ce dialogue est approfondi par la fascination constante et avouée de Souto de Moura pour ces ruines souvent incorporées de manière organique dans ses bâtiments – un processus qui n’est pas sans rappeler l’approche archéologique du cinéma de found-footage incarnée par les films d’essai d’Andersen. Traduit grossièrement par « reconversion », le terme portugais Reconversão implique bien plus : un processus hybride de conversation et de transformation qui témoigne de la dynamique complexe de l’œuvre de l’architecte et du cinéaste.