Avec Monrovia, Indiana, Frederick Wiseman fait d'une pierre deux coups. Pour ausculter une Amérique qui a largement plébiscité Donald Trump aux dernières élections présidentielles, il s'attache à la description d'une petite communauté agricole du Midwest, milieu jamais exploré dans sa longue carrière.
Le spectateur, rompu à la méthode du cinéaste, se retrouve vite en territoire connu : plans fixes quasi-photographiques et toujours curieusement déserts pour poser le cadre, alternance de longues séquences décrivant tour à tour le fonctionnement des institutions (Conseil municipal, Lion's Club, loge maçonnique) ou les rituels rythmant le quotidien des habitants (travail des champs ou à la ferme, vente aux enchères d'engins agricoles, visite aux commerçants du bourg).
Au pays de l'agriculture intensive où tout, du matelas au tracteur en passant par le hamburger, est démesuré, la vie semble figée : les lycéens baillent en cours et les seules conversations vivantes sont celles de retraités dans un diner évoquant leur jeunesse. Le conservatisme de cette Amérique blanche et réactionnaire surgit sans crier gare dans les détails de séquences anodines : longues tractations dans une boutique d'armes à feu, ahurissant stand d'enseignes aux slogans douteux lors de la kermesse annuelle, religion omniprésente.
Pourtant en terminant son film par les obsèques d'une représentante de la communauté, Frederick Wiseman rappelle de façon élégiaque et presque émouvante l'humanité des habitants de Monrovia.